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Chronique d’une pendule Zenith : de Neuchatel à Heristoria  

Microphone
podcast
CalendarBlank18 septembre 2023
Clock6 minutes d'écoute

« Encore 5 petites minutes et je dois sonner 15h. Mon carillon est prêt, mon mouvement est bien remonté… ma chère routine de précision. Et je peux vous dire que la précision, ça me connait !  

Je repense au mois de juin 1957, le 7 pour être précis. C’est le jour même où je suis sorti rayonnant de la manufacture dont je porte fièrement la signature « Zenith » sur mon cadran bombé.

Je me souviens encore du jour où ma famille suisse m'a installée dans notre salon. Puisque le père était toujours en retard au diner, sa femme a décidé de lui offrir la fameuse pendule Neuchâteloise de la Manufacture Zenith, toute de rouge vêtue - oui je parle bien de moi ! J’étais un très beau cadeau pour un passionné du style Louis XVI… On me surnommait d’ailleurs la « petite Louis XVI » - je n’ai jamais compris pourquoi on me qualifiait de “petite”, car j’en prends de la place ! Du haut de mes 62 centimètres, et surélevée d’un peu plus d’un mètre grâce à mon socle fixé au mur, j’attirais l’attention de toute la famille grâce à mon carillon, une belle sonnerie des heures et des demi-heures !

J’avais une place de choix, avec une vue plongeante sur le poste de télévision. J’en ai vécu des moments historiques… Le plus marquant, je m’en rappelle comme si c’était hier. Il était bientôt l’heure du journal, j’étais en retard sur mon planning, ca ne m’arrive pas souvent, je me dépêchais pour sonner 8h du soir. Aaaah Spoutnik, J’ai toujours eu un attrait prononcé pour les avancées technologiques, ils avaient bien caché leur jeu ! J’étais estomaqué. 

Que c’était bien la Suisse… oh mais je me souviens aussi de mon déménagement en France, dans le Morbihan ! Elle était belle cette maison aux volets en bois, peints en jaune moutarde. J’étais la touche de rappel à l’intérieur, avec mes fleurs de la même couleur, peintes à la main ! J’étais positionné dans la cuisine, on jetait un coup d’œil sur mes aiguilles pour surveiller le temps de cuisson de la blanquette de veau. Je me rappelle des odeurs délicieuses qui y régnaient – la ratatouille, les classiques crêpes au sarrasin, le cidre ou encore les fruits de mer du dimanche !

Un doux moment vécu là-bas me revient particulièrement à l’esprit… Un soir, en attendant que le dîner soit prêt, les enfants de la famille étaient assis devant le petit poste de télévision de la cuisine pour regarder le dessin animé “La Belle et la Bête ». J'étais là, à côté d'eux, et je ne pouvais m'empêcher d'être intriguée par ce qui se passait à l'écran…après tout j’attendais patiemment l’heure du dîner pour sonner 19h30 ! Et puis, soudain, je l'ai vue - une horloge parlante nommée Big Ben! C'était incroyable de voir un de mes "vieux camarades" prendre vie à l'écran, avec cet air très sérieux et autoritaire, mais aussi un peu maladroit… il était bien attachant. Je me souviens qu'il avait dit quelque chose comme : "Le dîner est servi », et hop j’ai sonné la demi-heure, le repas était prêt !

Même loin de ma Suisse natale, j’avais trouvé une nouvelle famille qui prenait soin de moi, tel un membre à part entière. D’ailleurs c’était toujours Gaston, le fils, qui s’occupait de remonter mon mouvement, un petit rituel que nous partagions une fois par semaine… Eh oui, pour quelle pendule me prenez-vous ? Bien sûr que je tiens huit jours entiers en donnant l’heure exacte ! 

Aujourd’hui, me voilà à veiller sur l’équipe de HERISTORIA, cette nouvelle initiative du groupe LVMH. De véritables passionnés d’histoires ! Vous les verriez quand leurs yeux s’illuminent à la réception d’une archive sur un de leurs trésors de la part d’un département Heritage d’une Maison du groupe… D’ailleurs, attendez, j’aperçois quelque chose… Mais c’est bien ça, un catalogue des années 50 de la maison Zenith ! Je vous l’assure, j’étais en première de couverture ! J’avais posé devant un dessinateur – c’était d’ailleurs un peu long j’avais des fourmis dans les pieds à la fin de la séance. Il s’était appliqué à représenter tous mes détails : aiguilles en laiton doré, cadran en métal peint en blanc avec l’inscription de ma manufacture posée fièrement juste au dessous-du 12, tour de chiffres romains pour les heures, tour de chiffres arabes pour les minutes, baguettes et pieds dorés à la feuille d’or… un portait très réussi ! 

Je suis ravi de veiller sur cette équipe, et d'aider à raconter l'histoire de tant d'objets précieux qui ont traversé les époques. Mon histoire, celles des objets que je vois passer tous les jours, nous rappellent que chaque pièce qui a vécu à une histoire à partager, une patine du temps qui les rend si uniques. En fin de compte, ce n'est pas seulement l'objet lui-même qui est précieux, mais aussi l'histoire qu'il raconte, les souvenirs qu'il évoque et l'héritage qu'il laisse derrière lui !

Ah, il est 15h ! L’équipe m’a entendue sonner, je les vois se préparer à sortir… J’ai entendu qu’ils avaient rendez-vous avec une nouvelle Maison pour s’acculturer à son histoire… et découvrir de nouveaux trésors ! »